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Page:Weil - Oppression et Liberté, 1955.djvu/27

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du procès de production d’avec le travail manuel, et leur transformation en forces d’oppression du capital sur le travail, s’accomplit pleinement… dans la grande industrie construite sur la base du machinisme. Le détail de la destinée individuelle… de l’ouvrier travaillant à la machine disparaît comme une mesquinerie devant la science, les formidables forces naturelles et le travail collectif qui sont cristallisés dans le système des machines et constituent la puissance du maître. » Si l’on néglige la manufacture, qui peut être regardée comme une simple transition, on peut dire que l’oppression des ouvriers salariés, d’abord fondée essentiellement sur les rapports de propriété et d’échange, au temps des ateliers, est devenue par le machinisme un simple aspect des rapports contenus dans la technique même de la production. À l’opposition créée par l’argent entre acheteurs et vendeurs de la force de travail s’est ajoutée une autre opposition, créée par le moyen même de la production, entre ceux qui disposent de la machine et ceux dont la machine dispose. L’expérience russe a montré que, contrairement à ce que Marx a trop hâtivement admis, la première de ces oppositions peut être supprimée sans que disparaisse la seconde. Dans les pays capitalistes, ces deux oppositions coexistent, et cette coexistence crée une confusion considérable. Les mêmes hommes se vendent au capital et servent la machine ; au contraire, ce ne sont pas toujours les mêmes hommes qui disposent des capitaux et qui dirigent l’entreprise.

À vrai dire, il existait encore, il n’y a pas bien longtemps, une catégorie d’ouvriers qui, tout en étant salariés, n’étaient pas de simples rouages vivants au service des machines, mais exécutaient au contraire leur travail en utilisant les machines avec autant de liberté, d’initiative et d’intelligence que l’artisan qui manie son outil ; c’étaient les ouvriers qualifiés. Cette catégorie d’ouvriers qui, dans chaque entreprise, constituait le