Page:Weil - Oppression et Liberté, 1955.djvu/37

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tional-socialiste est loin d’avoir dit son dernier mot. Les capitulations successives de la bourgeoisie devant ce mouvement montrent assez quel est le rapport des forces. La séparation de la propriété et de l’entreprise, qui a transformé la plupart des propriétaires de capital en simples parasites, permet des mots d’ordre tels que « la lutte contre l’esclavage de l’intérêt », qui sont anticapitalistes sans être prolétariens. Quant aux grands magnats du capital industriel et financier, leur participation à la dictature économique de l’État n’exclut pas nécessairement la suppression du rôle qu’ils ont joué jusqu’ici dans l’économie. Enfin, si les phénomènes politiques peuvent être considérés comme des signes de l’évolution économique, on ne peut négliger le fait que tous les courants politiques qui touchent les masses, qu’ils s’intitulent fascistes, socialistes ou communistes, tendent à la même forme de capitalisme d’État. Seuls s’opposent à ce grand courant quelques défenseurs du libéralisme économique, de plus en plus timides et de moins en moins écoutés. Bien rares sont ceux de nos camarades qui se souviennent qu’on pourrait y opposer aussi la démocratie ouvrière. En présence de tous ces faits, et de bien d’autres, nous sommes contraints de nous demander nettement vers quel régime nous mènera la crise actuelle, si elle se prolonge, ou, en cas d’un retour rapide de la bonne conjoncture, les crises ultérieures.

Devant une semblable évolution, la pire déchéance serait d’oublier nous-mêmes le but que nous poursuivons. Cette déchéance a déjà atteint plus ou moins gravement un grand nombre de nos camarades, et elle nous menace tous. N’oublions pas que nous voulons faire de l’individu et non de la collectivité la suprême valeur. Nous voulons faire des hommes complets en supprimant cette spécialisation qui nous mutile tous. Nous voulons donner au travail manuel la dignité à laquelle il a droit, en donnant à l’ouvrier la pleine intel-