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Page:Weil - Oppression et Liberté, 1955.djvu/43

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pleinement, c’est-à-dire d’imprimer au monde la marque de notre volonté. Mais il est un domaine où elles sont impuissantes. Elles ne peuvent nous empêcher de travailler à concevoir clairement l’objet de nos efforts, afin que, si nous ne pouvons accomplir ce que nous voulons, nous l’ayons du moins voulu, et non pas désiré aveuglément ; et d’autre part notre faiblesse peut à la vérité nous empêcher de vaincre, mais non pas de comprendre la force qui nous écrase. Rien au monde ne peut nous interdire d’être lucides. Il n’y a aucune contradiction entre cette tâche d’éclaircissement théorique et les tâches que pose la lutte effective ; il y a corrélation au contraire, puisqu’on ne peut agir sans savoir ce que l’on veut, et quels obstacles on a à vaincre. Néanmoins, le temps dont nous disposons étant de toutes manières limité, l’on est forcé de le répartir entre la réflexion et l’action, ou, pour parler plus modestement, la préparation à l’action. Cette répartition ne peut être déterminée par aucune règle, mais seulement par le tempérament, la tournure d’esprit, les dons naturels de chacun, les conjectures que chacun forme concernant l’avenir, le hasard des circonstances. En tout cas le plus grand malheur pour nous serait de périr impuissants à la fois à réussir et à comprendre.

(Révolution prolétarienne, no 158, 25 août 1933.)