Page:Weil - Sur la science, 1966.djvu/111

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


LETTRE À UN CAMARADE


Cher camarade,

Comme réponse à l’enquête que vous m’envoyez concernant l’enseignement historique des sciences, je ne peux que vous raconter une expérience que j’ai faite cette année[1] dans ma classe (classe de philosophie au lycée de jeunes filles du Puy).

Mes élèves, comme la plupart des élèves, ne regardaient les diverses sciences que comme des sommes de connaissances mortes, dont l’ordre est celui que donnent les manuels. Elles n’avaient aucune idée, ni de la liaison entre les sciences, ni des méthodes qui ont permis de les créer. Bref on peut dire que ce qu’elles savaient des sciences constituait le contraire d’une culture. Cela me rendait très difficile l’exposé de la partie du programme de philosophie intitulée « La méthode dans les sciences ».

Je leur ai expliqué que les sciences, ce n’étaient pas des connaissances toutes faites étalées dans les manuels à l’usage des ignorants, mais des connaissances acquises au cours des âges par les hommes, au moyen de méthodes entièrement distinctes des méthodes d’exposition qu’elles trouvaient dans les manuels. Je leur ai proposé de leur faire quelques cours supplémentaires d’histoire des sciences. Elles ont accepté, et les ont toutes suivis, sans que je les y oblige.

Je leur ai esquissé rapidement le développement des mathématiques, ordonné autour de l’opposition : continu, discontinu, et considéré comme un effort

  1. 1931-1932.