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Page:Weil - Sur la science, 1966.djvu/229

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ment constituée par l’ensemble des travaux mathématiques accomplis jusqu’à ce jour ? En ce cas la mathématique actuelle constituerait un écran entre l’homme et l’univers (et par suite entre l’homme et Dieu, conçu à la manière des Grecs) au lieu de les mettre en contact. Mais je la calomnie peut-être.

À propos des Grecs, as-tu entendu parler d’un certain Autran, qui vient de publier un livre sur Homère ? Il a émis une thèse sensationnelle, à savoir que les Lyciens et les Phéniciens du deuxième millénaire avant notre ère seraient des Dravidiens. Ses arguments, qui sont philologiques, ne semblent pas méprisables, autant qu’on peut juger sans connaître les langues dravidiennes et les inscriptions qu’il cite. Mais la thèse est bien séduisante — trop séduisante, même — en ce sens qu’elle donne une explication extrêmement simple des analogies entre la pensée de la Grèce et celle de l’Inde. Le climat expliquerait peut-être assez les différences. Quoi qu’il en soit, comment ne pas avoir de nostalgie pour une époque où une même pensée se retrouvait partout, chez tous les peuples, dans tous les pays, où les idées circulaient dans une étendue prodigieuse, et où on avait toute la richesse que procure la diversité ? Aujourd’hui, comme sous l’Empire romain, l’uniformité s’est abattue partout, a effacé toutes les traditions, et en même temps les idées ont presque cessé de circuler. Enfin ! Dans 1 000 ans cela ira peut-être un peu mieux.



II bis. BROUILLON D’UNE PARTIE
DE LA LETTRE PRÉCÉDENTE


[…] Les rapports mathématiques entre la Grèce et Babylone enferment sans aucun doute