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Page:Weil - Sur la science, 1966.djvu/25

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des applications. Les savants modernes, considérant, comme, semble-t-il, il leur convient de le faire, la connaissance comme le plus noble but qu’ils puissent se proposer, refusent de méditer en vue des applications industrielles, et proclament bien haut, avec Poincaré, que, s’il ne peut y avoir de Science pour la Science, il ne saurait y avoir de Science. Mais c’est à quoi semble mal convenir cette autre idée, que la question de savoir si telle théorie scientifique est vraie n’a aucun sens, et qu’elle n’est que plus ou moins commode. Au reste, la distance qui semblait se trouver entre le savant et l’ignorant se réduit ainsi à une différence de degré, car la science se trouve être, non plus vraie, mais plus commode que la perception.

Ces contradictions ne sont-elles insolubles qu’en apparence ? Ou sont-elles un signe que les savants, en séparant comme ils font la pensée scientifique de la pensée commune, se règlent sur leurs propres préjugés plutôt que sur la nature de la science ? Le meilleur moyen de le savoir est de prendre la science à sa source et de chercher selon quels principes elle s’est constituée ; mais plutôt qu’à Thalès, c’est, pour les raisons données plus haut, à l’origine de la science moderne qu’il nous faut remonter, à la double révolution par laquelle la physique est devenue une application de la mathématique et la géométrie est devenue algèbre, autrement dit à Descartes.