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Page:Weil - Sur la science, 1966.djvu/27

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PREMIÈRE PARTIE


S’il a pu y avoir pour nous incertitude touchant la question de savoir si, dans sa source même, la science a comme substitué au monde sensible un monde intelligible, cette incertitude ne semble pas devoir être longue à dissiper. Car si nous ouvrons les Méditations, nous lisons tout d’abord : « Tout ce que j’ai reçu jusqu’à présent pour le plus vrai et le plus assuré, je l’ai appris des sens, ou par les sens ; or j’ai quelquefois éprouvé que ces sens étaient trompeurs, et il est de la prudence de ne se fier jamais entièrement à ceux qui nous ont une fois trompés. » En conséquence de quoi, lorsque Descartes veut chercher la vérité, il ferme les yeux, il bouche ses oreilles, il efface même de sa pensée toutes les images des choses corporelles, ou du moins, parce qu’à peine cela se peut-il faire, il les réfute comme vaines et comme fausses. Il est vrai que ceci concerne une recherche métaphysique, et non mathématique ; mais l’on sait que Descartes considérait sa doctrine métaphysique comme le fondement de toutes ses pensées. Ainsi la première démarche de Descartes pensant est de faire abstraction des sensations. Il est vrai que ce n’est là qu’une forme de son doute hyperbolique, et l’on pourrait