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Page:Weil - Sur la science, 1966.djvu/29

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lumière. » (IX, p. 3.) Ce qu’il montre par un exemple tiré de l’expérience même. « L’attouchement est celui de tous nos sens que l’on estime le moins trompeur et le plus assuré ; de sorte que, si je vous montre que l’attouchement même nous fait concevoir plusieurs idées, qui ne ressemblent en aucune façon aux objets qui les produisent, je ne pense pas que vous deviez trouver étrange, si je dis que la vue peut faire le semblable… Un gendarme revient d’une mêlée : pendant la chaleur du combat, il aurait pu être blessé sans s’en apercevoir ; mais maintenant qu’il commence à se refroidir, il sent de la douleur, il croit être blessé : on appelle un chirurgien, on le visite, et l’on trouve enfin que ce qu’il sentait n’était autre chose qu’une boucle ou une courroie qui, s’étant engagée sous ses armes, le pressait et l’incommodait. Si son attouchement, en lui faisant sentir cette courroie, en eût imprimé l’image en sa pensée, il n’aurait pas eu besoin d’un chirurgien pour l’avertir de ce qu’il sentait. » (XI, p. 5.)

Refusant donc de croire aux sens, c’est à la seule raison que Descartes se fie, et l’on sait que son système du monde est le triomphe de ce qu’on nomme la méthode a priori ; et cette méthode, il l’a appliquée avec une audace qui n’a eu, selon une parole connue, ni exemple ni imitateur ; car il va jusqu’à déduire l’existence du ciel, de la terre et des éléments. « L’ordre que j’ai tenu en ceci, écrit-il dans le Discours de la Méthode, a été tel. Premièrement j’ai tâché de trouver en général les Principes ou Premières Causes de tout ce qui est, ou qui peut être dans le monde, sans rien considérer pour cet effet que Dieu seul qui l’a créé, ni les tirer d’ailleurs que de certaines semences de vérité qui sont naturellement en nos âmes. Après cela j’aij|