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Page:Weil - Sur la science, 1966.djvu/35

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nos yeux », et délivre la mathématique du joug de l’intuition, ait, comme Spinoza, rabaissé l’imagination à ne consister qu’en des mouvements du corps humain. C’est ce que montre un texte des Regulae : Concipiendum est… phantasiam esse veram partem corporis, et plus loin : ex his intelligere licet, quomodo fieri possint omnes aliorum animalium motus, quamvis in illis nulla prorsus rerum cognitio sed phantasia tantum pure corporea admittatur[1] (X, p. 414).

Ainsi la science est comme purifiée de la boue natale, si l’on peut ainsi parler, dont Thalès et ses successeurs ne l’avaient pas entièrement nettoyée. Elle est ce que Platon avait pressenti : un ensemble d’idées. Et c’est ici l’occasion de saisir un autre aspect de la pensée cartésienne à l’aide d’un autre disciple de Descartes. Leibniz ; car si Leibniz a voulu bâtir, non seulement la connaissance humaine, mais même la connaissance divine, qui, selon son système, est la même chose que le monde, avec des idées, c’est Descartes, encore qui doit être considéré comme l’inspirateur de cette doctrine. Dans les Méditations il se contentait, il est vrai, de remarquer l’existence en son esprit d’idées qui, disait-il, ne peuvent être estimées un pur néant, et ne sont pas feintes par lui, mais ont leurs natures vraies et immuables. Mais dans les Regulae, œuvre dont Leibniz possédait une copie, Descartes va bien plus loin en sa doctrine des idées simples, qu’il définit ainsi : Absolutum voco, quidquid in se continet naturam puram et simplicem, de qua est quaestio : ut omne id quod consideratur quasi independens, causa, simplex,

  1. « Il faut se représenter que cette imagination est une véritable partie du corps… (Par là) on peut comprendre comment peuvent s’accomplir tous les mouvements que font les animaux, bien qu’en eux on ne puisse admettre aucune connaissance des choses, mais seulement une imagination purement corporelle… »