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Page:Weil - Sur la science, 1966.djvu/38

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cartes. Il n’est pas jusqu’à l’opposition, remarquée plus haut, entre la commodité prise comme règle de la science et le mépris des applications que l’on ne retrouve en Descartes. Car si dans sa jeunesse, lorsqu’il pense que les sciences ne servent qu’aux arts mécaniques, il juge que des fondements si fermes n’ont servi à rien de bien relevé, d’autre part il ne semble pas plus que Poincaré exiger des théories scientifiques qu’elles soient vraies, mais seulement qu’elles soient commodes. C’est ainsi qu’il compare souvent ses théories aux idées des astronomes concernant l’équateur et l’écliptique, qui, bien que fausses, ont fondé l’astronomie. C’est qu’il veut que l’ordre, essence de la science cartésienne, ne se conforme pas servilement à la nature des choses, mais s’applique « même aux choses qui ne se suivent pas naturellement les unes les autres ». Bref, la science moderne a été dès l’origine, quoique moins développée, ce qu’elle est actuellement. La question que nous nous posions tout à l’heure est résolue. Il faut accepter la science telle qu’elle est, ou y renoncer. Il n’y aurait qu’à en rester là, et il n’y aurait plus aucune question à poser, si une lecture quelque peu attentive de Descartes ne suffisait pas pour rencontrer une foule de textes difficilement conciliables, semble-t-il, avec l’esquisse de la philosophie cartésienne précédemment tracée ; aussi allons nous passer en revue quelques-uns de ces textes, que nous grouperons par ordre autant qu’il est possible, nous réservant de les commenter par la suite.

Tout d’abord il n’est pas vrai que Descartes, en cultivant les sciences, en dédaigne les applications. Non seulement les dernières années de sa vie ont été consacrées tout entières à la médecine, qu’il considérait comme le seul moyen propre à rendre