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Page:Weil - Sur la science, 1966.djvu/72

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journée d’étude remplissait une page. L’idée ne me venait pas qu’on put recevoir une connaissance nouvelle, sinon du dehors, ou par l’enseignement, ou par rencontre. Aussi, quoique ne désespérant pas d’apporter peut-être un jour moi-même quelque contribution nouvelle au trésor des connaissances acquises, ne formais-je aucun projet à l’avance concernant la manière dont je m’y prendrais ; je comptais seulement rapprocher, comparer, combiner de toutes les manières qui me viendraient à l’esprit les connaissances mises à ma disposition par l’étude, puis, dans l’amas des vraisemblances, des problèmes, des incertitudes nées de ce brassage, avoir assez de bonheur pour ramasser quelques idées vraies. Comment, en effet, aller autrement qu’au hasard à la recherche de vérités non encore soupçonnées ? Je connaissais pourtant une méthode sûre pour employer les connaissances que je possédais à prouver la légitimité d’une affirmation ; c’est ce qu’on nomme la logique. Mais je remarquais que cette méthode ne constituait qu’une simple analyse, absolument sûre parce qu’absolument infructueuse ; elle pouvait me servir à tirer de l’ensemble de mes connaissances la connaissance dont je pouvais avoir besoin, mais je la reconnaissais impuissante à me faire rien acquérir. Quant aux moyens de connaître quelque chose de nouveau, je n’en connaissais que deux ; le premier n’est autre que les hasards de l’expérience. Une grande partie de la science que l’étude m’avait procurée était constituée par les réponses que des hommes obstinés à interroger de toutes les manières les astres, les mers, les mouvements des corps, la lumière, la chaleur, toutes les transformations des corps inertes ou vivants avaient eu quelquefois le bonheur d’obtenir. Quant à l’autre moyen d’apprendre, je le