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Page:Weil - Sur la science, 1966.djvu/96

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insensibles, que je puisse engager n’importe où, dont je puisse disposer, que je puisse prendre, quitter, reprendre, bref qui représentent parfaitement la nature indirecte du travail. Ces corps humains moins ambigus, qui, de ce mélange de sensibilité et de travail, gardent ceci seulement, qu’ils sont propres au travail, je les possède, ce sont les outils. L’impulsion de l’esprit est ainsi coulée, non uniquement dans le moule immuable de ce premier outil qui m’est joint, mon corps, mais en plus dans le moule des outils proprement dits, dont la structure n’est immuable qu’autant qu’il me plaît. Au reste ces outils, tout en étendant ma portée, jouent le même rôle à mon égard que le corps même. Ce sont des obstacles formés de manière à transformer mes impulsions en mouvements plus composés. L’attache du bras au corps me permet de décrire un cercle ; cette transformation de mouvement droit est parfaite pour le paysan, quand au bout de son bras il a mis une faux. La roue, la manivelle, me permettent de décrire des cercles où je veux, alors que ceux que je décris avec mon bras ont toujours mon épaule pour centre. Le rémouleur, en levant et en abaissant son pied, perpendiculairement au sol, c’est-à-dire par un mouvement droit, obtient le mouvement circulaire de sa roue. Le levier au contraire transforme un mouvement vertical en un mouvement vertical. On pourrait essayer ainsi une série des outils selon un ordre géométrique. Au reste ces outils eux-mêmes, tout comme le corps, ne me permettent que les mouvements les moins complexes ; la puissance qu’ils me procurent est de même espèce que celle que fournit le corps, quoique plus étendue. Aussi, si je veux étendre à nouveau mon royaume, je n’ai qu’un moyen de le faire, c’est de composer