Page:Wharton - Sous la neige, 1923.djvu/51

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

cloison les séparait. Dans un instant elle allait apparaître, et les yeux de Frome, accoutumés à l’obscurité, la discerneraient entre toutes, aussi aisément qu’en plein jour. Un mouvement de timidité le fit reculer davantage et il demeura dans l’ombre sans dénoncer sa présence.

Cela n’avait pas été une des moindres surprises de leur intimité que, dès le début, Mattie, bien qu’elle fût plus vive et plus fine que lui, loin de l’écraser par cette supériorité lui avait communiqué quelque chose de son naturel et de son aisance. Mais ce soir il se sentait aussi gauche, aussi emprunté, qu’autrefois aux pique-nique de Worcester, lorsqu’il se hasardait à plaisanter les jeunes filles.

Il se blottit dans son coin et Mattie sortit seule : elle s’arrêta à quelques pas de lui. Elle avait été à peu près la dernière à quitter la salle, et elle jeta autour d’elle un regard indécis, visiblement étonnée qu’Ethan ne parût point. Puis, un homme se rapprocha d’elle, si près que, sous leurs manteaux informes, le groupe ne faisait plus qu’une lourde et noire silhouette.

— Est-ce que votre ami vous a lâchée ? Dites donc, Mattie, ce serait un peu fort… Mais, soyez tranquille, je n’en dirai rien : je suis trop bon garçon pour cela… Mais, écoutez donc, j’ai là-bas sous