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Page:Wharton - Sous la neige, 1923.djvu/60

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ce contact, il lui sembla que la chaleur de son corps pénétrait dans ses veines…

— Vous ne pleurez pas, Mattie ?

— Non, Ethan, répondit-elle d’une voix tremblante.

Ils arrivaient à la ferme. Près de la barrière, sous les mélèzes, les tombes des Frome, encloses d’une petite palissade en bois, montraient, à travers la neige, leurs pierres rongées par le temps. Ethan les regarda avec curiosité. Tant d’années, ses morts avaient paru, dans leur silence paisible, railler son inquiétude, son désir de changement et d’indépendance ! « Nous n’avons pu nous échapper, nous autres, semblaient-ils dire ; comment pourrais-tu t’en aller, toi ?… » Et, chaque fois qu’il passait la barrière, pour sortir ou pour entrer, il songeait en frissonnant : « Je continuerai à vivre ici jusqu’à ce que je les rejoigne… » Mais aujourd’hui il n’aspirait plus à aucun départ et la vue du petit enclos lui procurait une douce sensation de continuité et de stabilité.

— Nous ne vous laisserons jamais partir, Mattie ! murmura-t-il, comme si les morts, qui eux aussi s’étaient aimés autrefois, eussent conspiré avec lui pour la retenir ; et il pensait, en longeant les tombeaux : « Nous continuerons à vivre ensemble dans cette maison, et un jour elle reposera là, près de moi. »