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ESCALADES DANS LES ALPES.

je répondrais sans hésiter : elle est surtout conservatrice. Elle est certainement destructive dans de certaines limites ; toutefois, comme un maçon qui élève une colonne destinée à être polie, le glacier enlève une légère couche au rocher sur lequel s’exerce son frottement, afin de préserver plus efficacement les parties restantes. En en effaçant les inégalités, et par conséquent en diminuant l’étendue des surfaces exposées aux intempéries de l’atmosphère, le glacier, quand il se retire, laisse le rocher dans une meilleure condition pour résister aux attaques de la chaleur, du froid et de l’eau.

Ceux-là mêmes qui accusent d’ordinaire les glaciers des plus épouvantables destructions ont souvent constaté que les surfaces polies, qu’ils laissent à découvert, semblent impérissables. Des siècles, que dis-je, des milliers d’années se sont écoulées et les roches moutonnées conservent leur forme sans altération.

Ainsi donc, je l’affirme de nouveau, les glaciers, pendant leur vie comme après leur mort, considérés en eux-mêmes, ou comparés à d’autres forces naturelles, doivent être regardés comme éminemment conservateurs dans leurs actes et dans leurs intentions.


La journée du 3 août se termina par une promenade sur le glacier de Findelen. Nous revînmes à Zermatt plus tard que nous n’en avions eu l’intention, tous deux accablée de sommeil (ce détail n’est intéressant que pour les conséquences qu’il eut). Nous devions passer le lendemain le col de Valpelline, et il nous fallait partir de bonne heure. M. Seiler, toujours excellent, le savait ; aussi vint-il en personne nous réveiller. Quand il frappa à ma porte, je répondis : « Très-bien, Seiler, je vais me lever. » Puis je me tournai immédiatement sur l’autre oreille, en me disant : « Commençons par dormir encore dix petites minutes. » Mais Seiler attendit, écouta et frappa de nouveau à la porte, se doutant bien de ce qui se passait. « Monsieur Whymper, avez-vous de la lumière ? — Non, » lui dis-je sans penser aux conséquences de ma réponse ; aussitôt le digne homme n’hésita pas à