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CHAPITRE XI.

périeure, sur un point situé entre le Dôme du Goûter et l’Aiguille de Bionnassay.]

Ce sont les contre-forts situés entre ces magnifiques fleuves de glace qui ont formé, en grande partie, les énormes masses de débris disposées en forme d’arêtes, ou répandues çà et là, tout autour et même au delà de l’extrémité du glacier de Miage, dans le Val Véni. Ces moraines[1] passent pour des merveilles. Elles sont en effet très-grandes pour un glacier tel que celui du Miage.

Les dimensions des moraines ne sont pas proportionnées à celles des glaciers. Beaucoup de petits glaciers ont de vastes moraines[2], et beaucoup de grands glaciers ont de petites moraines. La dimension des moraines de tous les glaciers dépend principalement de trois causes : 1o de la superficie des rochers exposés aux influences atmosphériques dans le bassin drainé par le glacier ; 2o de la nature de ces rochers : s’ils sont friables ou d’une nature résistante ; 3o de l’épaisseur de leur stratification. Les moraines seront vraisemblablement petites, si la superficie des rochers est peu considérable ; quand on en voit de très-vastes, c’est qu’il existe, suivant toutes probabilités, dans le voisinage immédiat du glacier, de grandes étendues rocheuses qui ne sont recouvertes ni par la neige, ni par la glace. Le glacier du Miage possède de grandes moraines parce qu’il reçoit les débris d’un grand nombre de rochers et d’arêtes. Si ce glacier, au lieu d’occuper le fond d’un bassin, le remplissait en entier, et s’il enveloppait complétement l’Aiguille de Trélatête ainsi que les autres montagnes qui le bordent, s’il descendait du Mont-Blanc sans être interrompu par un rocher ou par une arête, il serait aussi complétement dépourvu de moraines que la grande Mer de Glace du Groënland. Une contrée est-elle complétement

  1. J’ignore l’origine du terme de moraine. De Saussure, dit (tome I, p. 380, § 536) : « Les paysans de Chamonix appellent ces amas de débris la moraine du glacier. » On peut en conclure que c’était une désignation locale, particulière à Chamonix.
  2. Un exemple en a été cité p. 168. On pourrait encore en fournir d’autres beaucoup plus remarquables.