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ESCALADES DANS LES ALPES.

des pentes de neige sur cette arête, et, de cette arête, au sommet où nous arrivâmes avant midi et demi. Presque toute la route put se faire sur la neige.

Les arêtes qui partent au nord et au sud du sommet du Grand Cornier offraient un exemple frappant des effets extraordinaires que peuvent produire de brusques alternatives de chaleur et de froid. L’arête méridionale, toute fendue et crevassée, présentait l’aspect le plus sauvage ; l’arête septentrionale n’était pas moins désagrégée et impraticable ; on y remarquait les singulières
Partie de la chaîne septentrionale du Grand Cornier.
formes des rochers que représente le dessin ci-joint. Quelques petits blocs vacillèrent et tombèrent en notre présence ; en descendant ils en entraînèrent d’autres qui formèrent une véritable avalanche que nous entendîmes se précipiter avec un bruit terrible sur les glaciers situés au-dessous.

Il est tout naturel que les grandes arêtes offrent les formes les plus étranges, non pas à cause de leurs dimensions, mais en raison de leurs positions. Exposées à la chaleur torride du soleil, elles sont rarement à l’ombre tant qu’il reste au-dessus de l’horizon. Aucun abri ne les protége, et elles subissent tour à tour les attaques des vents les plus furieux et des froids les plus intenses. La roche la plus dure ne saurait résister à de tels assauts. Ces grandes montagnes, image apparente de la solidité et de l’éternité, qui semblent immuables, indestructibles, sont cependant soumises à une altération incessante et tombent peu à peu en poussière. Leurs arêtes en ruine sont la preuve évidente de leur lutte avec les éléments. Je le répète, toutes les principales arêtes des grands pics alpestres que j`ai vues ont subi une sem-