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CHAPITRE XIV.

de profil cette face de la montagne. Celui qui ne l’aurait vue que du côté de l’est eût été stupéfait de l’aspect qu’elle offrait dans cette direction. Elle ne présente plus ces escarpements inaccessibles que l’on aperçoit du Riffelberg ; on a peine à se persuader que c’est la même montagne. L’inclinaison de ce versant dépasse à peine 40 degrés.

Ce fait constaté, un grand pas était fait. Cependant ma découverte ne m’eût pas suffi pour tenter une ascension par le versant qui regarde l’est, au lieu de la tenter par l’arête du sud-ouest. Quarante degrés ne constituent pas une inclinaison bien formidable pour des pentes peu considérables. Mais cette inclinaison se maintient rarement d’une manière aussi générale sur une longue étendue, et on ne peut citer dans les Alpes supérieures qu’un très-petit nombre de pentes qui ont une inclinaison constante de quarante-cinq degrés sur neuf cents mètres d’altitude.

L’élévation et l’escarpement des rochers du Cervin n’auraient pas empêché d’habiles grimpeurs d’en entreprendre l’ascension, s’ils n’avaient en outre paru dangereusement polis. Les guides désespéraient d’y trouver la moindre aspérité pour s’y cramponner. Une des plus grandes difficultés de l’arête du sud-ouest était précisément la surface lisse et polie de certains rochers qui, de loin, semblaient cependant très-désagrégés. Ne serait-il donc pas tout à fait impossible d’escalader les escarpements du versant oriental, dont on distinguait de si près la surface unie et polie ?

Les rochers de l’arête du sud-ouest, plongeant dans la direction de l’ouest-sud-ouest, offrent un obstacle encore plus sérieux. On le sait maintenant, la masse principale du Cervin se compose de stratifications régulières[1] relevées vers l’est. Dans quelques parties de l’arête qui conduit du col du Lion au sommet du Cervin, — je l’ai déjà répété plus d’une fois, — les roches s’inclinent à l’extérieur et leurs bords échancrés surplombent. Les gravures des pages 123 et 126 l’ont déjà

  1. Voir p. 94 et 113.