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CHAPITRE II.

glacier à l’endroit où il se déverse hors du plateau. Ce spectacle ranima nos espérances, qui ne furent pas trompées ; un cri de joie simultané salua l’apparition de ces neiges, si longtemps désirées. À la vérité, une large crevasse nous en séparait encore ; mais nous trouvâmes un pont, et, nous attachant à la file, nous y marchâmes en toute sûreté. Pendant que nous le traversions en ligne droite, un beau pic tout blanc de neige se dressa devant nous. Le vieux Sémiond s’écria : « La pyramide ! je vois la pyramide ! »

— Où, Sémiond, où donc ?

— Là, au sommet de ce pic. »

Là, en effet, s’élevait la pyramide qu’il avait aidé à construire plus de trente ans auparavant. Mais où donc était le pic des Arcines que nous devions voir ? Il n’était visible d’aucun côté. Nous n’apercevions qu’une vaste étendue de neige, limitée par trois pics inférieurs. Un peu découragés, nous nous avançâmes vers la pyramide, regrettant de n’avoir point d’autres sommets à conquérir ; mais à peine avions-nous fait deux cents pas que se dressa sur notre gauche un superbe cône blanc, caché jusqu’alors par une pente de neige. « Le pic des Arcines ! » nous écriâmes-nous, et nous demandâmes à Sémiond s’il savait que l’ascension de ce pic eût été faite. Il ne savait qu’une seule chose : le pic que nous voyions devant nous s’appelait la Pyramide, à cause du cairn qu’il avait aidé, etc., etc., et personne depuis n’en avait fait l’ascension. « Alors tout va bien, volte-face, » m’écriai-je, et immédiatement nous tournons à angle droit en nous dirigeant du côté du cône, pendant que le pauvre porteur fait de timides efforts pour nous attirer vers sa chère pyramide.

Notre marche fut arrêtée à peu de distance par l’arête de la chaîne qui reliait les deux pics et qui se recourbait en une charmante volute. Force nous fut de battre en retraite. Sémiond, qui formait l’arrière-garde, saisit cette occasion de se détacher de la corde et refusa de nous suivre plus loin, nous courions, disait-il, trop de dangers, et il parlait vaguement de crevasses. Après l’avoir rattaché, nous nous remîmes en marche. La neige