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CHAPITRE III.

on jugea qu’il fallait bien 250 mètres cubes d’air pur. Aussi, à la tempête de feu faisait-on succéder un ouragan d’air. On ouvrait le robinet de la conduite qui amenait l’air depuis les compresseurs installés sur chaque versant jusqu’au fond du souterrain, et immédiatement il se produisait une tourmente qui chassait et diluait les gaz nuisibles. L’atmosphère se refroidissait ; mais, quand on pénétrait pour la première fois dans cette galerie préparatoire, l’ouïe était désagréablement affectée par l’air comprimé. À côté de la conduite qui aérait se trouvait également le tuyau qui apportait la force motrice aux outils perforateurs[1].

« On s’est souvent demandé comment cette percée gigantesque avait pu être faite aussi rectiligne. Ce n’est qu’en 1862 que le tracé définitif fut achevé par MM. Borelli et Copello, ingénieurs de chaque section respective du souterrain. Il fallut établir à travers la montagne un réseau géodésique de 28 triangles, et, comme ce réseau montait par degrés jusqu’à la plus haute cime, à 3100 mètres au-dessus du niveau de la mer, il est facile de se figurer les difficultés de toutes sortes qu’eurent

  1. Les accidents qui ont eu lieu pendant toute la durée des travaux ont été au nombre de 34, sur le versant français seulement.
    Intérieur.
    Chutes de rochers……………………… 8 morts.
    Accidents de wagons………………… 14 —
    Explosions………………………………… 5 —
    25 morts
    Extérieur.
    Chutes de rochers……………………… 2 morts.
    Accidents de wagons………………… 4 —
    Explosions………………………………… 5 —
    11 morts

    Comme on le voit par ce tableau, presque la moitié des hommes tués furent écrasés par les wagons, car malgré les prescriptions des ingénieurs, les mineurs ne voulurent jamais suivre les sentiers pratiqués de chaque côté du tunnel. Ils marchaient presque toujours sur les rails. Aussi 14 périrent-ils écrasés sous les roues des wagons. Du reste, on a lieu de s’étonner que le nombre des accidents ait encore été si minime, quand on pense au temps employé pour le percement du tunnel et au nombre des ouvriers occupés.