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CHAPITRE III.

pérature, de ce que l’on pourrait appeler l’équateur de la galerie. On traverse une sorte de région de calme et la vapeur emplit le souterrain ; elle adhère au revêtement et le couvre entièrement d’une couche mate et opalisée. On dirait que l’on avance sous une voûte entre deux murailles d’albâtre. Les lumières du tunnel illuminent d’un éclat doux et doré cette paroi translucide, et, pour faire cesser toute illusion, on est, malgré soi, porté à étendre le bras hors du wagon.

« La main est brusquement saisie par un courant d’air froid ; on ne croirait jamais qu’un couloir de vapeur vous entoure. C’est qu’en effet, entre le train et la vapeur qui adhère à la voûte et au muraillent, reste toute une épaisseur d’air. On passe au milieu de cette galerie vaporeuse sans en ressentir d’autre inconvénient.

« Puis, le sommet de la rampe franchi, la vapeur se condense, entraînée par le courant qui s’accuse de nouveau. On commence à distinguer très-bien le revêtement du tunnel ; l’impression de chaleur disparaît peu à peu, et, vers le kilomètre 9, en penchant hors du wagon, on aperçoit déjà un premier reflet de la lumière du jour. Les rayons se réfléchissent sur la vapeur de proche en proche depuis l’entrée, et on voit, derrière le léger nuage vaporeux qui sépare le train de la paroi, naître une première lueur pâle et blanche. Le tunnel s’éclaire comme la terre au lever du soleil ; lui aussi a son aurore. Bientôt la clarté brillante du jour tranche sur la lumière rougeâtre des lampes : c’est la fin de la traversée. On franchit l’ouverture, et devant nous les Alpes se dressent de nouveau superbes au delà du pli qui forme la vallée de la Dora Riparia.

« Suivant le sens du tirage dans le tunnel on voit, à Modane ou à Bardonnèche, s’échapper en dehors par la bouche du souterrain la fumée et la vapeur que la locomotive a semées sur sa route. De loin, on dirait que la montagne est en feu ; les bois de pins disparaissent derrière des nuages de vapeur. Au bout d’une heure et demie à peu près, le tunnel ne fume plus ; il est de nouveau à peu près vidé des produits de la combustion. »

Ainsi les questions qui préoccupaient ajuste raison les ingé-