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CHAPITRE IV.

partirent encore de Zermatt, suivirent la route qu’ils avaient ouverte l’année précédente et dépassèrent un peu le point qu’ils avaient atteint la première fois ; mais l’approche de la nuit les força de redescendre à Zermatt, d’où le mauvais temps les chassa bientôt, et ils ne renouvelèrent plus leur tentative. D’après leurs déclarations, MM. Parker n’avaient pas monté chaque fois aussi haut qu’ils l’auraient pu. Du point où ils se trouvaient quand ils furent obligés de songer au retour, ils constatèrent que l’ascension eût été encore facile pendant une centaine de mètres, mais au delà les difficultés semblaient augmenter. Je sais du reste que ces deux expéditions eurent surtout pour but de s’assurer si l’on devait faire avec des chances de succès une tentative plus décisive du côté du nord-est.

J’arrivai au Breuil avec mon guide le 28 août 1861 et j’y appris que le professeur Tyndall y était venu un jour ou deux auparavant, mais qu’il n’avait rien entrepris. J’avais examiné le Cervin presque sous toutes ses faces, et, bien que très-novice encore en pareille matière, j’avais compris qu’un jour ne pouvait suffire pour en faire l’ascension.

Je résolus donc de passer la nuit sur la montagne à la plus grande hauteur possible, et de tâcher d’atteindre le sommet le jour suivant. Nous essayâmes, mais sans succès, de persuader à un autre guide de nous accompagner. Mathias zum Taugwald et d’autres guides bien connus refusèrent nettement mes offres. Seul, un vieillard encore vert, — Pierre Taugwalder, — dit « Qu’il irait bien ! » — « Pour quel prix ? » — « Pour deux cents francs. » — « Comment, que nous fassions ou non l’ascension ? » — « Oui, pas un sou de moins. »

En somme, tous les hommes plus ou moins capables manifestaient une grande répugnance à m’accompagner, ou me répondaient par un refus positif (leur répugnance étant proportionnée à leur capacité) ou demandaient un prix dérisoire. Telle était, je le dis une fois pour toutes, la raison qui rendit inutiles tant de tentatives. Tous les bons guides se décidaient l’un après l’autre à monter sur les pentes inférieures de la monta-