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Page:Wilde - Le Portrait de monsieur W. H., trad. Savine, 1906.djvu/16

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— Que diriez-vous d’un jeune homme qui avait une étrange thèse sur certaine œuvre d’art, qui croyait à cette thèse et qui commit un faux pour en faire la démonstration ?

— Oh ! ceci est tout à fait une autre question.

Erskine demeura quelques instants silencieux, contemplant le mince écheveau de fumée grise qui s’élevait de sa cigarette.

— Oui, dit-il après une pause, c’est tout à fait différent !

Il y avait quelque chose dans le ton de sa voix, une légère sensation d’amertume peut-être, qui excita ma curiosité.

— Avez-vous jamais connu quelqu’un qui avait fait cela ? lui demandai-je brusquement.

— Oui, répondit-il, en jetant au feu sa cigarette, un de mes grands amis, Cyril Graham. C’était un garçon tout à fait fascinant, un vrai fou sans la moindre énergie. C’est pourtant lui qui m’a laissé le seul legs que j’ai reçu de ma vie.

— Et qu’était-ce ? m’écriai-je.

Erskine se leva de sa chaise et allant à une