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Page:Wilde - Le portrait de Dorian Gray, 1895.djvu/229

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DE DORIAN GRAY

étaient venues. Par le moyen de quelque étrange vie intérieure, la lèpre du péché semblait ronger cette face. La pourriture d’un corps au fond d’un tombeau humide était moins effrayante !…

Sa main eut un tremblement et la bougie tomba du chandelier sur le tapis où elle s’écrasa. Il posa le pied dessus la repoussant. Puis il se laissa tomber dans le fauteuil près de la table et ensevelit sa face dans ses mains.

— Bonté divine ! Dorian, quelle leçon ! quelle terrible leçon !

Il n’y eut pas de réponse, mais il put entendre le jeune homme qui sanglotait à la fenêtre.

— Prions ! Dorian, prions ! murmura t-il… Que nous a-t-on appris à dire dans notre enfance ? « Ne nous laissez pas tomber dans la tentation. Pardonnez-nous nos péchés, purifiez-nous de nos iniquités ! » Redisons-le ensemble. La prière de votre orgueil a été entendue ; la prière de votre repentir sera aussi entendue ! Je vous ai trop adoré ! J’en suis puni. Vous vous êtes trop aimé… Nous sommes tous deux punis !

Dorian Gray se retourna lentement et le regardant avec des yeux obscurcis de larmes.

— Il est trop tard, Basil, balbutia t-il.

— Il n’est jamais trop tard, Dorian ! Agenouillons-nous et essayons de nous rappeler une prière. N’y a-t-il pas un verset qui dit : « Quoique vos péchés soient comme l’écarlate, je les rendrai blancs comme la neige » ?

— Ces mots n’ont plus de sens pour moi, maintenant !

— Ah ! ne dites pas cela. Vous avez fait assez de mal dans votre vie. Mon Dieu ! Ne voyez-vous pas cette maudite face qui nous regarde ?

Dorian Gray regarda le portrait, et soudain, un indé-