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Page:Wilde - Le portrait de Dorian Gray, 1895.djvu/243

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DE DORIAN GRAY

— Alan, ils auront à vous intéresser… Celui-ci vous intéressera. J’en suis cruellement fâché pour vous, Alan. Mais je n’y puis rien moi-même. Vous êtes le seul homme qui puisse me sauver. Je suis forcé de vous mettre dans cette affaire ; je n’ai pas à choisir… Alan, vous êtes un savant. Vous connaissez la chimie et tout ce qui s’y rapporte. Vous avez fait des expériences. Ce que vous avez à faire maintenant, c’est de détruire ce corps qui est là-haut, de le détruire pour qu’il n’en demeure aucun vestige. Personne n’a vu cet homme entrer dans ma maison. On le croit en ce moment à Paris. On ne remarquera pas son absence avant des mois. Lorsqu’on la remarquera, aucune trace ne restera de sa présence ici. Quant à vous, Alan, il faut que vous le transformiez, avec tout ce qui est à lui, en une poignée de cendres que je pourrai jeter au vent.

— Vous êtes fou, Dorian !

— Ah ! j’attendais que vous m’appeliez Dorian !

— Vous êtes fou, vous dis-je, fou d’imaginer que je puisse lever un doigt pour vous aider, fou de me faire une pareille confession !… Je ne veux rien avoir à démêler avec cette histoire quelle qu’elle soit. Croyez-vous que je veuille risquer ma réputation pour vous ?… Que m’importe cette œuvre diabolique que vous faites ?…

— Il s’est suicidé, Alan…

— J’aime mieux cela !…Mais qui l’a conduit là ? Vous, j’imagine ?

— Refusez-vous encore de faire cela pour moi ?

— Certes, je refuse. Je ne veux absolument pas m’en occuper. Je ne me soucie guère de la honte qui vous attend. Vous les méritez toutes. Je ne serai pas fâché de vous voir compromis, publiquement compromis. Comment osez-vous me demander à moi, parmi tous