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Page:Wilson - Voyage autour du monde, 1923.djvu/100

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VOYAGE AUTOUR DU MONDE

sitôt notre ascension à cet enfer, non plus que la descente très abrupte et rocailleuse. Nous sommes rentrés fourbus.

15 novembre — Course en automobile au lac Hakone, vaste et limpide nappe d’eau douce, où se mire le Fudji que nous avons vu dans toute sa splendeur par un temps clair et un ciel d’azur. Au cours de cette ascension, nous découvrons la mer qui baigne la baie de Kamakura. Notre séjour à Miyanoshita, dont le nom signifie le village au pied du temple, finira demain matin, alors que nous prendrons le train pour Nagoya, ancienne capitale, la ville célèbre par son vieux château fort et ses fabriques de porcelaine.

16 novembre — Sous un ciel pur et dans l’air vif du matin, nous partons de l’hôtel princier le Fujya, pour la station du chemin de fer à Gotemba. Ce parcours de seize milles sur le flanc des montagnes est une route militaire toute moderne dont chaque tournant est un poste d’observation, une redoute. Nous croisons ou dépassons des militaires en motocyclettes. La main au képi, ils nous souhaitent le benzai — bienvenue. Nous leur rendons leur salut dans leur langue, à leur grande surprise : Ohayo, bonjour. Nous montons, montons, en lacets, jusqu’à trois mille pieds, hauteur de laquelle nous apercevons le sommet du Fudji par un tunnel de cinq à six cents pieds de longueur. Au débouché : cris de joie et d’admiration. Le Fudji, couvert de glace, étincelant comme un prisme sous les rayons obliques d’un soleil ardent, lance son pic tronqué au delà des nues. À ses pieds, une plaine immense, symétriquement divisée : riche marqueterie de moissons dorées, de vergers de kakis dont les fruits d’or font ployer les branches, de routes grises et brun rouge, de haies verdoyantes qui se prolongent, à perte de vue dans tous les sens et dont les verticales, à notre objectif, vont mourir au pied du mont cyclopéen. Nous descendons en spirale et le géant grandit à mesure que nous glissons vers le fond de la vallée jusqu’à ce qu’il nous écrase de sa masse imposante. Un Bonaparte japonais pourrait ici esquisser un geste bien plus éloquent que celui du Corse au pied des pyramides,