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Page:Wilson - Voyage autour du monde, 1923.djvu/172

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VOYAGE AUTOUR DU MONDE

lorsqu’on la frappe du pied, même légèrement. C’est sur ce marbre que, depuis cinq siècles (1420), les empereurs, chaque année, au solstice d’hiver, ont immolé à la divinité des bœufs et des brebis, en les frappant au front. Le culte interdit de répandre le sang des victimes. Cette cérémonie avait lieu à quatre heures de l’après-midi, au milieu d’un immense concours de la noblesse et des dignitaires de la cour. Dix mille personnes y assistaient, vêtues de leurs plus riches parures. L’empereur venait, la veille, passer la nuit dans un palais voisin de l’autel, pour se préparer et pour être en état de grâce. De là il se rendait au lieu du sacrifice, en faisant un salut profond à chaque trois pas. Le trajet, quoique très court, durait trois heures. Les bêtes assommées étaient rôties sur un brasier au pied de l’autel, offertes aux dieux en holocauste, tranchées en menus morceaux, puis distribuées aux pauvres.

Ces sacrifices étaient aussi offerts lors des grands malheurs : inondations, famines, incendies, peste, épidémies, pour apaiser les colères divines. Cinq grands édifices, dix arcs, dix portiques, s’élèvent autour de cet autel auguste qui n’a pour nef que les cieux et la terre s’unissant à l’horizon ; décor plus grandiose ne peut être imaginé. Dans l’enceinte du temple il y avait toujours quatre-vingt-dix-neuf taureaux et quatre-vingt-dix-neuf brebis prêts pour le sacrifice.

Du Temple du Ciel nous nous rendons au Temple de la Prière par une terrasse de cent pieds de largeur, élevée d’une dizaine de pieds au-dessus du sol du parc ombragé, longue de cinq arpents et pavée de marbre blanc. Un peu avant son extrémité, la terrasse est flanquée d’un carré entouré d’une balustrade également en marbre. C’est là, le sacrifice terminé, sous la tente impériale, que le thé était servi. Au bout de la terrasse, se dresse le mausolée des empereurs ; sous un kiosque de très vastes proportions, aux colonnes de laque rouge, au plafond richement décoré, douze monuments élevés à la mémoire des ancêtres impériaux : douze empereurs de la dynastie des Mings. Le dernier, l’empereur Koung-