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Page:Wilson - Voyage autour du monde, 1923.djvu/218

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VOYAGE AUTOUR DU MONDE

de plus large, et deux millions d’êtres humains vivent là, pressés les uns contre les autres. Je suis convaincu qu’il n’y a pas de place pour coucher tout ce monde. On doit y dormir en deux équipes, l’une de jour et l’autre de nuit.

Point n’est besoin de descendre de votre chaise pour magasiner ; de la main vous touchez aux tablettes où s’étalent les marchandises les plus délicates, les plus artistiques. Tout le monde travaille, rit, crie, chante, cogne, bûche, lime, scie, tourne, file, tisse, brode, polit, râpe, cuit, bouille, pèle, gratte, lave, peint, varlope, teint, forge, martèle, rabote à cœur que veux-tu, dans des trous de dix pieds carrés, ouverts sur le passage de six pieds de largeur. Aux rencontres, on crie ; les chaises collent le long du mur, se frottent l’une contre l’autre. Pour tourner, un bout s’enfonce dans la boutique d’avant, et l’autre dans celle d’arrière. Les porte-faix, les promeneurs, les femmes, les enfants, les hommes d’affaires, les commis, les messagers, les trottins, les coolies se suivent à la queue-leu-leu, se croisent entre bourriques, porcs, chiens et chats. Au-dessus de votre tête, la rue est couverte de nattes qui s’appuient sur les toits et protègent le couloir contre les ardeurs du soleil. Sous vos pieds : le pavé, fait de longues pierres juxtaposées, gluantes, glissantes, humides, couvertes de débris et de détritus ; au-dessous : l’égout sans débouché, sans ouverture. Quelques boutiques, celles des soieries et broderies entre autres, sont fermées par des portes à gros barreaux placés en sens transversal ; secouez les barreaux et la porte glisse. Entrez : petite pièce assez propre, blanchie à la chaux ; au mur : des tablettes, des armoires vitrées ; au centre : une longue table sur laquelle s’étalent des robes, des châles, des écharpes, des mantilles, des broderies à faire rêver, offertes à des prix ridiculement bas. Pour quelques dollars, j’allais dire quelques sous, nous nous chargeons d’une variété de jolies choses valant cent fois le prix versé. Oh ! si les distances n’étaient pas si grandes, et si la noble institution des douaniers des vingt pays que nous avons encore à traverser n’était pas là, nous ferions plus