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Page:Wilson - Voyage autour du monde, 1923.djvu/292

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l’endroit du sinistre a été pavé de dalles noires, entourées d’une grille, et une plaque commémorative redit cette lamentable tragédie. Lest we forget !

2 mars — Le matin nous allons aux burning ghats.

Voici l’horrible chose : sur le bord de la rivière, dans un enclos, au sommet d’un immense escalier dont les gradins descendent jusqu’à la rivière, les cadavres sont déposés sur des bûchers et leurs cendres jetées dans l’Hougly. Huit cadavres brûlent, au moment de notre arrivée. Il fait une chaleur atroce, dans cette rôtisserie macabre. Au pied de l’escalier, trois individus, simplement vêtus du langouti, sassent les cendres dans l’eau, dans l’espoir d’y trouver des bijoux d’or, d’argent ou de cuivre qu’on aurait oublié d’enlever aux morts, avant l’incinération. C’est la caste des parias qui accomplit cette lugubre besogne. Nous sommes dans le pays des castes ; on en compte plus de deux mille.

Un joli petit garçon d’une douzaine d’années est étendu sur un brancard, enseveli dans un linceul blanc qui disparaît sous les fleurs. On dirait qu’il dort. Son père, homme de haute taille, coiffé du turban noir, le regarde d’un air attendri. Il est mort depuis à peine une demi-heure ; il est encore chaud, et son teint bronzé ne laisse pas voir la pâleur cadavérique des blancs. Les parias replient ses jambes sous son corps et s’apprêtent à le mettre sur le bûcher ; je ne puis soutenir ce spectacle : je fuis.

Nous visitons le palais de marbre érigé, il y a plusieurs années, par les maharajahs, au centre d’un vaste jardin, et transformé en musée par l’un d’eux, Ronald Mallick. Il y a là de fort jolis tableaux à côté d’horribles croûtes, des reproductions en plâtre des chefs-d’œuvre de l’art grec, romain, français et italien, que l’on a peinturlurés pour imiter le bronze. C’est cocasse de voir des Vénus déguisées en négresses. Dans une salle, un kewpie coudoie la statue du Sacré-Cœur ! Evidemment, il n’était pas fanatique, le rajah !