En 1903, je partais pour l’Angleterre, la France, l’Italie et la Suisse. Je retournai en Angleterre, en France, en Italie, en 1907, et visitai l’Espagne, le Portugal, l’Algérie, la Tunisie et la Sicile.
Depuis, je ne cessai de penser à voir l’Orient, surtout l’Extrême Orient, le Japon, la Chine, Java, l’Inde « mystérieuse ». Ce rêve me hantait.
En 1914, l’assassinat de l’archiduc Ferdinand, à Sarajevo, déclencha la Grande Guerre et fit tomber mes projets, que je dus remettre à une date indéfinie.
L’armistice proclamé, je me préparai de nouveau à partir, cette fois, pour le tour du monde.
Les parents, les amis avec qui j’en causai tentèrent de me dissuader, vu le désarroi, la désorganisation des services sur terre et sur mer, les complications internationales, l’état d’ébullition politique chez tous les peuples, le mouvement kémaliste en Turquie, les prétentions de la Grèce, les troubles en Égypte, en Palestine et en Russie, les rumeurs de conflit sur le Pacifique, entre les États-Unis et le Japon, l’instabilité et, je pourrais dire, l’absence de gouvernement en Chine, le mouvement dont Gandhi est l’instigateur et l’apôtre ardent aux Indes, la terrible affaire d’Armritzar, l’incapacité et, dans certains cas, le refus des agences de voyages de prendre la responsabilité de diriger les voyageurs, les formalités des passeports, les fluctuations insensées du change, et mille autres obstacles.
Cependant, ma résolution demeura inébranlable.
Nous partîmes et n’eûmes pas à le regretter. En effet, à mesure que nous avançâmes en route, nous vîmes s’aplanir les difficultés de voyager que les journaux, intéressés à les grossir hors de proportions, se plaisaient à répandre pour des fins politiques, pécuniaires ou autres, que sais-je ?
Ce qui nous avait paru montagnes infranchissables, dans la perspective et le mirage du lointain, n’était bientôt que collines douces et plaines hospitalières, n’ayant de terrible que ce que la nature leur a donné pour les rendre pittoresques et intéressantes.
