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Page:Xénophon - Œuvres complètes, éd. Talbot, tome 1.djvu/145

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das[1], auprès de Lébadie[2] et celui d’Hippocrate à Délium[3], la gloire d’Athènes s’est humiliée devant celle des Béotiens, et l’audace des Béotiens contre les Athéniens s’est accrue à ce point, que les Béotiens, qui jadis n’osaient pas se mesurer avec les Athéniens sans les Lacédémoniens et les autres peuples du Péloponèse, menacent maintenant de se jeter sans alliés sur l’Attique, et que les Athéniens, qui jadis, lorsque les Béotiens étaient seuls, allaient ravager la Béotie, craignent maintenant que les Béotiens ne dévastent l’Attique. » Alors Socrate : « Je m’aperçois bien, dit-il, qu’il en est ainsi ; mais il me semble que la république montrerait aujourd’hui des dispositions plus bienveillantes envers un homme de bien qui serait à la tête des affaires : car la confiance engendre l’incurie, l’indolence et l’indiscipline ; la crainte rend les hommes plus vigilants, plus soumis, plus disciplinés. La preuve en est dans ce qui se passe sur les vaisseaux : tant qu’on ne craint rien, tout y est plein de confusion ; mais dès qu’on redoute la tempête ou l’ennemi, non-seulement on exécute tous les ordres, mais on garde le silence en attendant le commandement, de la même manière que les choristes[4]. — Si nous souhaitons, dit Périclès, que les Athéniens obéissent, c’est le moment de nous demander comment on pourrait les stimuler de nouveau, les rappeler à leur vertu, à leur gloire et à leur prospérité d’autrefois. — Eh bien ! dit Socrate, si nous voulions qu’ils reprissent des richesses passées en d’autres mains, ne leur montrerions-nous pas qu’elles ont appartenu à leurs pères, et qu’elles leur appartiennent à eux-mêmes, afin de les exciter à se les approprier ? Mais puisque nous voulons qu’ils s’efforcent d’atteindre au

  1. Général athénien qui avait ravagé les côtes du Péloponèse, de 458 à 460 avant J. C. Voy. Thucydide, I, cviii. Il fut battu, tué entre Lébadie et Coronée, l’an 447, et cette défaite entraîna pour les Athéniens la perte de la Béotie et de Mégare.
  2. Aujourd’hui Livadia, ville de la Béotie, près de l’Hélicon, et qui a donné son nom à la Livadie actuelle. Aux environs se trouvaient le bois et l’antre de Trophonius, sur lequel on peut consulter le Dict. mythologique de Jacobi.
  3. La huitième année de la guerre du Péloponèse, les Athéniens, commandés par le général Hippocrate, furent battus à Délium, petite ville de Béotie, située près de l’Euripe de Chalcis, et dans la dépendance de Tanagra. Hippocrate périt dans cette bataille, où Socrate, qui servait comme hoplite, sauva la vie de Xénophon, tombé de cheval.
  4. Les choristes attendaient, pour commencer leurs chants et leurs danses, que le coryphée, qui les dirigeait, leur donnât le signal soit d’un endroit élevé, soit de la thymélé, espèce de gradin placé en avant de la scène dans les représentations dramatiques.