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Page:Xénophon - Œuvres complètes, éd. Talbot, tome 1.djvu/331

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tes concitoyens élèvent des chevaux et les envoient au concours ? Quel est le plus beau triomphe, selon toi, d’avoir un bel attelage, ou de faire le bonheur de la cité dont tu es le chef ? Pour ma part, je dis qu’il est malséant qu’un tyran le dispute à des particuliers. Vainqueur, tu n’exciteras point l’admiration, mais l’envie, comme si tes dépenses avaient été prélevées sur une foule de familles ; vaincu, tu seras la risée de tous.

« Je te le répète, Hiéron, entre en lice avec d’autres chefs de cité ; et, si tu rends heureuse entre toutes celle à laquelle tu commandes, tu seras vainqueur, sache-le bien, dans le plus beau et le plus glorieux des combats. Et d’abord tu obtiendras par ce moyen l’affection de tes sujets, but auquel tu aspires ; ensuite ta victoire ne sera pas préconisée par un seul héraut, mais tous les hommes chanteront comme un concert en l’honneur de ta vertu. Alors non-seulement environné du respect des hommes privés, mais chéri de villes nombreuses, on ne t’admirera pas seulement dans ton particulier, mais en public ; et tu pourras, exempt de crainte, aller partout à ton gré pour satisfaire ta curiosité, ou rester chez toi pour te procurer ce plaisir : car tu auras toujours autour de toi un cortége de gens prêts à étaler à tes yeux tout ce qu’il y a d’ingénieux, de beau et de bon, ou n’aspirant qu’à te servir. Présent, on te prêtera son appui ; absent, on souhaitera de te voir. Ainsi tu ne seras pas seulement aimé, mais chéri : tu n’auras point à courir après les beaux garçons, ce sont eux qui soupireront après toi ; tu n’auras rien à craindre ; ce sont les autres qui craindront qu’il ne t’arrive malheur ; tes sujets seront soumis à tes volontés ; tu les verras veiller d’eux-mêmes sur tes jours ; si quelque danger menace l’État, tu ne trouveras pas seulement en eux des alliés, mais des défenseurs pleins de courage ; comblé de présents, tu ne manqueras point d’amis avec qui les partager ; tous se réjouiront de ta prospérité, tous combattront pour tes intérêts comme pour les leurs, et tes trésors seront la richesse collective de tes amis.

« Courage donc, Hiéron ; enrichis tes amis, tu t’enrichiras toi-même : augmente ta puissance, et crée-lui des appuis[1]. Regarde ta patrie comme ta maison ; les citoyens comme autant d’amis ; tes amis comme tes enfants ; tes enfants comme

  1. Quelques éditeurs croient qu’il y a une lacune dans cet endroit.