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Page:Xénophon - Œuvres complètes, éd. Talbot, tome 1.djvu/371

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CHAPITRE V.


Des divers moyens de tromper l’ennemi.


Un cavalier doit savoir, en outre, à quelle distance il faut que le cheval soit du fantassin, et quelle avance un cheval lourd peut prendre sur un cheval vite. Mais c’est au commandant à connaître les points sur lesquels l’infanterie est supérieure à la cavalerie et la cavalerie à l’infanterie. Il faut encore avoir l’adresse de faire paraître nombreux un petit corps de cavalerie, ou petite une troupe nombreuse ; d’avoir l’air présent quand on est absent, et absent quand on est présent ; de savoir, non-seulement surprendre les secrets de l’ennemi[1], mais surprendre ses cavaliers mêmes pour leur faire charger l’ennemi à l’improviste. C’est encore un excellent stratagème que de pouvoir, étant faible soi-même, inspirer de la terreur aux ennemis, de telle sorte qu’ils ne vous attaquent point ; et, si l’on est en force, de leur donner confiance pour en être attaqué. Par là, sans avoir rien à craindre de fâcheux, on a la part belle pour surprendre l’ennemi en faute. Mais, afin de ne point paraître commander l’impossible, je vais expliquer par écrit ce qui semblerait être le plus difficile.

Il faut donc, pour ne pas broncher, soit dans les charges, soit dans les fuites, s’être assuré de la force des chevaux. Or, comment faire cette épreuve ? En observant ce qui arrive dans les manœuvres de petite guerre, poursuites ou retraites. Si tu veux que tes cavaliers paraissent nombreux, aie d’abord pour principe, autant que faire se peut, de ne point essayer à tromper l’ennemi de près. On risque moins de loin, et la ruse est plus facile. Ensuite, il faut savoir que les chevaux, quoique serrés, semblent plus nombreux, en raison de la taille de l’animal, tandis que, dispersés, on les compte sans peine. Il est encore un autre moyen de faire paraître ta cavalerie plus nombreuse qu’elle n’est réellement : c’est de placer les valets entre les cavaliers, en leur mettant entre les mains des lances, ou, à défaut de lances, quelque chose d’analogue, et cela, soit que tu tiennes ta troupe arrêtée, soit que tu la déploies en

  1. Cf. Cyropédie, I, vi, et Mém., III, i.