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Page:Xénophon - Œuvres complètes, éd. Talbot, tome 1.djvu/410

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dormir sur la dure, et se montreront gardiens fidèles du poste assigné. S’agit-il de marcher à l’ennemi, de l’attaquer, d’exécuter un ordre, ils sont préparés par l’attaque et la prise du gibier. Placés au front de bataille, ils n’abandonneront pas leurs rangs, grâce à leur persévérance. Dans une déroute, ils poursuivent l’ennemi, droit, résolûment, sur toute espèce de terrain : ils en ont l’habitude. L’armée dont ils font partie éprouvet-elle un échec, ils sauront, sur des terrains couverts de bois, abruptes, et autres lieux difficiles, se sauver sans honte, et les autres avec eux. La chasse les a familiarisés avec toute espèce de ressources. En effet, plus d’une fois de pareils hommes, dans une déroute générale de leurs camarades, voyant le vainqueur égaré sur un terrain désavantageux, sont revenus à la charge, et, grâce à leur complexion et à leur intrépidité, ont mis les ennemis en fuite : car toujours un corps robuste, uni à une âme forte, sait fixer la fortune.

Aussi nos ancêtres, convaincus que la chasse était la source de leurs succès sur de tels ennemis, la firent-ils entrer dans l’éducation de la jeunesse. Même dans les premiers temps où ils manquaient de récolte, ils jugèrent convenable de ne point défendre la chasse, attendu que le chasseur n’en veut pas aux productions de la terre. De plus, une loi fixait le nombre de stades au delà desquels on ne pouvait se livrer à aucune occupation nocturne, de peur de priver de gibier les amateurs de chasse. Ils voyaient que c’était le seul plaisir qui procurât les plus grands biens aux jeunes gens, puisqu’il les rendait tempérants, justes, instruits de la réalité. Ils comprenaient qu’ils devaient à la chasse leurs succès militaires ; que ce plaisir, bien différent des voluptés honteuses, que l’on n’a pas besoin d’apprendre, n’écarte point les jeunes gens des études honnêtes auxquelles on voudrait se livrer. C’est une pépinière de bons soldats, de bons généraux : car les hommes qui, par le travail, éloignent de leur âme et de leur corps la honte et la débauche et développent en eux l’amour de la vertu, ceux-là sont les vrais citoyens ; ils ne toléreront jamais une injustice faite à leur patrie, un dommage à leur pays.

Il y en a qui disent qu’il ne faut pas se passionner pour la chasse, dans la crainte de négliger ses affaires domestiques : ils ignorent que servir son pays et ses amis, c’est prendre un plus grand soin de son bien. Si donc le chasseur se rend essentiellement utile à sa patrie, il ne néglige pas ses propres intérêts, puisque toutes les affaires individuelles, sont liées au