Page:Xénophon - Œuvres complètes, éd. Talbot, tome 1.djvu/413

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facile de me reprocher d’écrire vite et sans ordre ; cependant j’écris ainsi pour être net, et pour former non des sophistiqueurs, mais des sages et des hommes de bien ; attendu que je n’ai pas la prétention que mes écrits soient beaux, mais utiles et irréfutables. Les sophistes, au contraire, ne parlent, n’écrivent que pour tromper, que pour s’enrichir, et ils ne sont utiles à personne. Il n’y eut jamais, il n’y a pas chez eux de sage ; il leur suffit d’être appelés sophistes, nom flétrissant pour des hommes qui ont l’âme bien placée. J’engage donc à se tenir en garde contre les préceptes des sophistes, et à ne point dédaigner les saines réflexions des philosophes. Car les sophistes sont en quête des jeunes gens riches, tandis que les philosophes sont accessibles à tous, amis de tous : ce n’est pas la fortune des hommes qui règle leur estime ni leur mépris.

N’imitez pas non plus ces hommes qui ne respectent rien pour se pousser, soit dans le particulier, soit en public. Songez que les honnêtes gens se reconnaissent à des actions vertueuses, à une vie de labeur, tandis que les méchants n’ont que des passions honteuses et se reconnaissent à leur perversité. Spoliateurs des fortunes privées et de l’État, ils contribuent moins au salut commun que les ignorants, et ils n’apportent à la guerre que des corps épuisés, flétris, incapables de supporter la fatigue. Les chasseurs, au contraire, présentent toujours à la république des corps robustes et des ressources positives. Ils font la guerre aux bêtes, les autres la font aux amis. Or ceux-ci, en marchant contre des amis, se couvrent d’infamie aux yeux de tous ; tandis que les chasseurs, en marchant contre les bêtes, se couvrent de gloire. S’ils les prennent, ils seront vainqueurs d’ennemis ; s’ils ne les prennent pas, leur entreprise contre des ennemis de la cité leur vaut d’abord des louanges ; ensuite on leur sait gré de ce qu’ils le font sans nuire à personne et sans songer à leur profit ; enfin leurs efforts mêmes les rendent plus vertueux et plus habiles par la raison que nous allons dire. S’ils ne se distinguaient point par leurs travaux, leur sagacité, leur vigilance, ils ne prendraient aucune bête : car les ennemis auxquels ils ont affaire, combattant pour leur vie et dans leur retraite, sont vraiment bien forts : il en résulte que les peines du chasseur seraient inutiles, s’il ne se mettait beaucoup au-dessus d’eux par son activité et par son intelligence. D’un autre côté, ceux qui veulent dominer dans leur pays s’efforcent de vaincre des amis : les chasseurs luttent contre des ennemis communs ; les exercices de ceux-ci les rendent plus forts contre les en-