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Page:Xénophon - Œuvres complètes, éd. Talbot, tome 1.djvu/53

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ont gravi jusqu’au sommet et aperçu la mer, ce sont de grands cris. En les entendant, Xénophon et l’arrière-garde s’imaginent que l’avant-garde est attaquée par de nouveaux ennemis… Cependant les cris augmentent à mesure que l’on approche : de nouveaux soldats se joignent incessamment, au pas de course, à ceux qui crient : plus le nombre croît, plus les cris redoublent, et il semble à Xénophon qu’il se passe là quelque chose d’extraordinaire. Il monte à cheval, prend avec lui Lycius et les cavaliers, et accourt à l’aide. Mais aussitôt ils entendent les soldats crier : Mer ! mer ! et se féliciter les uns les autres. Alors tout le monde accourt, arrière-garde, équipages, chevaux. Arrivés tous au sommet de la montagne, on s’embrasse, soldats, stratéges et lochages, les yeux en larmes. Et tout à coup, sans qu’on sache de qui vient l’ordre, les soldats apportent des pierres et élèvent un grand tertre, qu’ils recouvrent d’armes enlevées à l’ennemi. »

Là pourtant ne se trouve point encore le terme de leurs souffrances : ce n’est qu’à travers mille dangers qu’ils arrivent aux bords mêmes de l’Euxin, à la colonie grecque de Trébizonde, où l’amiral lacédémonien Anaxibius les transporte de l’autre côté de l’Hellespont. Quant à Xénophon, il ne croit sa mission finie que quand il s’est assuré du sort de tous les soldats, jusqu’au dernier, et qu’il a remis au Spartiate Thimbron les débris de son armée.

L’embarras que nous avons éprouvé à donner une place précise à l’Éducation de Cyrus, ou, si l’on veut, à la Cyropédie, nous l’a fait ranger parmi les œuvres historiques de Xénophon ; mais nous n’hésitons point, sur la foi des autorités les plus respectables, à considérer cet ouvrage comme un cadre ingénieux de fictions revêtues de quelques noms propres, comme une histoire imaginaire, destinée à faire agréer un enseignement philosophique et moral, en un mot, comme un roman de vertu. Le Cyrus de l’auteur grec n’est pas beaucoup plus réel que celui de Mlle de Scudéry : c’est un héros idéal, un type de fantaisie. N’espérons retrouver dans Xénophon ni le Koresc ou Kiresc du Schah-Nameh, ni le fils de Cambyse et