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Page:Xénophon - Œuvres complètes, éd. Talbot, tome 1.djvu/540

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qu’à réfléchir à son calcul. Il pensait que, depuis la mort de Gorgopas, les Athéniens devaient se préoccuper moins de la flotte qui était dans le port. Et lors même qu’il y aurait là des vaisseaux au mouillage, il croyait qu’il était moins dangereux d’en attaquer vingt en station à Athènes que dix ailleurs : car il savait qu’une fois en mer, les matelots ne doivent pas quitter leur vaisseau, tandis qu’il n’ignorait pas que les triérarques des bâtiments mouillés à Athènes dorment dans leurs maisons, et que les matelots habitent dans différents endroits. Telles étaient les réflexions qui dirigeaient son expédition navale.

Quand il n’est plus qu’à cinq ou six stades du port, il s’arrête et fait reposer ses soldats. Dès que le jour paraît, il se place en tête. Ses vaisseaux suivent. Il leur défend de couler bas ou d’entamer aucun vaisseau rond ; mais quand ils verront une trirème à l’œuvre, ils tâcheront de la mettre hors de service : les bâtiments de transport ou bien de charge, ils les attacheront à leur poupe et les emmèneront hors du port ; quant aux plus grands, ils les aborderont et feront prisonnier tout l’équipage. Il y en eut même qui, s’élançant sur le Deigma[1], s’emparèrent de plusieurs marchands et propriétaires de navires qu’ils emmenèrent avec leurs vaisseaux. Tous les ordres de Téleutias sont exécutés.

Cependant les Athéniens qui étaient encore chez eux, entendant qu’il se passe quelque chose, se jettent dehors pour savoir quelle est cette rumeur : les uns rentrent dans leur maison chercher leurs armes, d’autres répandent la nouvelle par la ville. Tous les Athéniens, hoplites et cavaliers, arrivent alors en armes au Pirée, qu’ils croient déjà pris ; mais Téleutias expédie à Égine les bâtiments dont il s’est emparé, en les faisant escorter par trois ou quatre trirèmes ; puis, s’éloignant du port avec les autres, il se retire en longeant les côtes de l’Attique, prend un grand nombre de bateaux pêcheurs et de bâtiments remplis de passagers venant des îles, et se rend à Sunium, où il fait main-basse sur les vaisseaux marchands, chargés les uns de grains et les autres de marchandises. Cela fait, il s’en retourne à Égine, où il vend ses prises, et donne, avec le produit, un mois de paye à ses soldats. Il continue ensuite à courir la mer et à prendre tout ce qu’il trouve. C’est ainsi qu’il entretint ses équipages au complet et qu’il eut des soldats qui le servaient avec joie et promptitude.

  1. Bazar du Pirée.