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Page:Xénophon - Œuvres complètes, éd. Talbot, tome 1.djvu/573

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vous en donner avis. Vous avez entendu, j’en suis sûr, vous aussi, prononcer le nom de Jason. C’est, en effet, un homme qui a une grande puissance, et qui est renommé. Après avoir conclu une trêve avec moi, il vient me trouver et me parle ainsi : « Dis-moi, Polydamas, votre ville, Pharsale, aurait beau me résister, je pourrais cependant la soumettre, et tu peux t’en convaincre d’après ce raisonnement. J’ai pour alliées les villes les plus nombreuses et les plus grandes de Thessalie, et je les ai soumises alors que vous aviez réuni contre moi vos forces et les leurs. Certainement, tu sais aussi que j’ai à ma solde près de six mille étrangers, auxquels, je crois, pas une ville ne pourrait aisément tenir tête. Le nombre des troupes qu’on pourrait leur opposer d’autre part ne serait pas, il est vrai, moins considérable ; mais les armées des villes se composent d’hommes dont les uns sont déjà avancés en âge, les autres encore au-dessous de l’âge viril, et il n’y en a évidemment qu’un petit nombre dans chaque ville qui se livrent à des exercices du corps, tandis qu’il n’y a pas un de mes mercenaires qui ne soit capable de supporter les mêmes travaux que moi. » Or, Jason est lui-même, pour vous dire la vérité, très-robuste de corps et d’ailleurs fort actif : il soumet journellement ses troupes à des épreuves ; il est en armes à leur tête, soit dans les gymnases, soit dans les expéditions. Il renvoie ceux des étrangers chez lesquels il aperçoit de la mollesse ; mais ceux qu’il voit pleins d’ardeur pour les fatigues et les dangers contre les ennemis, il les distingue en leur donnant une solde double, triple ou quadruple, et autres présents, en les soignant dans leurs maladies et en honorant leurs funérailles. Aussi tous ces étrangers savent-ils que la valeur guerrière leur assure une vie honorée et opulente. Il m’a raconté, je le savais d’ailleurs, que les Maraques, les Dolopes et Alcétas, gouverneur de l’Épire, lui étaient déjà soumis. « Alors, dit-il, qui pourrait me faire craindre de n’avoir pas toute facilité à vous soumettre ? Peut-être quelqu’un qui ne me connaîtrait pas, me répliquera-t-il : Que tardes-tu ? Pourquoi ne marches-tu pas sur-le-champ contre les Pharsaliens ? C’est, par Jupiter ! qu’il me paraît de beaucoup préférable de vous attacher à moi de gré plutôt que de force. En effet, contraints par l’évidence, vous chercheriez à me faire tout le mal possible, et moi je souhaiterais de vous voir réduits à la plus grande faiblesse ; mais si vous veniez avec moi par la persuasion, il est clair que nous chercherions de notre mieux à nous accroître les uns les autres. Je sais,