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Page:Xénophon - Œuvres complètes, éd. Talbot, tome 1.djvu/593

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il est déjà bien loin, faisant voir par là que souvent la promptitude conduit plus facilement au but que la violence.

Quand il est arrivé en Béotie, les Thébains lui disent que ce serait un moment favorable pour fondre sur les Lacédémoniens par les hauteurs avec ses mercenaires, tandis qu’eux-mêmes les attaqueraient de front ; mais Jason les détourne de ce projet, en leur montrant qu’après une brillante affaire, il ne serait pas bon de livrer au hasard le gain d’un plus grand succès ou la perte de la victoire gagnée : « Ne voyez-vous pas, dit-il, que vous-mêmes vous avez été vainqueurs, quand vous étiez dans la détresse ? Il faut donc aussi croire que, si les Lacédémoniens étaient réduits à la dernière extrémité, ils combattraient en désespérés. La divinité d’ailleurs, à ce qu’il paraît, se plaît souvent à grandir les petits et à rapetisser les grands. » Jason dissuade donc les Thébains par des discours de ce genre de risquer une affaire décisive. De l’autre côté, il démontrait aussi aux Lacédémoniens qu’autre chose est de se mettre en campagne avec une armée vaincue, autre chose avec des troupes victorieuses : « Si vous voulez, dit-il, oublier le revers que vous avez essuyé, je vous conseille de reprendre haleine, et d’accroître vos forces pour vous mesurer ensuite avec des gens que vous n’avez pu vaincre. Quant à présent, ajouta-t-il, sachez le bien, il y a de vos alliés qui sont en pourparlers avec vos ennemis pour une alliance. Cherchez donc à tout prix à obtenir une trêve. Si je le désire, dit-il enfin, c’est que je veux vous sauver, tant à cause de l’amitié de mon père pour vous, que parce que je suis votre proxène. »

Voilà ce qu’il disait ; mais peut-être agissait-il de manière à ce que les partis, bien que séparés par leurs différends mutuels, eussent tous les deux besoin de lui. Les Lacédémoniens cependant, après l’avoir entendu, décident de négocier une trêve. Lorsqu’on annonce qu’elle est faite, les polémarques publient que tous aient à prendre leur repas et à se tenir prêts à se mettre en route la même nuit, afin de passer le Cithéron au point du jour. Le repas fini, avant le sommeil l’ordre est donné de partir, et l’on prend, aussitôt que le soir est venu, la route de Creusis, se fiant plus à cette manœuvre cachée qu’à une trêve. Après une marche fort pénible, la nuit, sous l’influence de la peur et par une route difficile, on arrive à Égosthène en Mégaride, où l’on rencontre l’armée d’Archidamus. Celui-ci, après avoir attendu dans cet endroit que tous les alliés soient arrivés, ramène toute l’armée réunie jusqu’à