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Page:Zetkin - Souvenirs sur Lénine.djvu/29

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SOUVENIRS SUR LÉNINE

seur, mais en théorie, car dans la pratique, cet ascenseur ne fonctionnait pas. « C’est tout comme l’amour des gens de Kautsky pour la Révolution, tout comme leur volonté de la faire », affirma Lénine sur un ton sarcastique.

Très vite la barque de notre conversation s’engagea dans les eaux politiques.

L’armée rouge avait reculé, abandonnant la Pologne, et cet événement, pareil à une gelée tuant les fleurs des arbres, avait tué dans leur fleur les espoirs révolutionnaires que nous avions conçus — et bon nombre d’autres avec nous — alors que les troupes soviétiques, dans leur avance en coup de foudre, s’étaient trouvées devant V… Je dépeignis à Lénine les impressions diverses ressenties par l’avant-garde révolutionnaire du prolétariat allemand, par les socialistes à la Scheidemann et à la Dittmann, par la bourgeoisie et les classes moyennes, lorsque les « tovarichtchi », l’étoile soviétique à leur casquette, en vieux uniformes invraisemblables ou en civil, en chaussons d’écorce ou en bottes déchirées, caracolaient tout près de la frontière allemande sur leurs petits chevaux rapides. « Garderont-ils ou ne garderont-ils pas la Pologne ? Passeront-ils la frontière ? Et après ? » Telles étaient les questions qui passionnaient alors les esprits en Allemagne et auxquelles les stratèges de brasserie répondaient en livrant de formidables batailles. D’ailleurs, dans toutes les classes, dans toutes les couches