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Page:Zevaco - Le boute-charge, 1888.djvu/119

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LE BOUTE-CHARGE

trouve la charité : chez Pinteau, serrant peut-être d’un cran la boucle de son pantalon, — je n’exagère rien, j’ai vu, — ou chez les adorables présidentes de bonnes œuvres en tout genre, dansant leur aumône à grand orchestre.

J’ai connu un de ces tristes hères qui fut pour nous une réelle énigme. Tous les soirs, au moment de la soupe, il entrait au corps de garde du quartier, quai d’Orsay, ou nous étions alors casernés. Boutonné jusqu’au col, — peut-être pour cacher l’absence de chemise, — et serré dans une redingote noire très propre, mais lustrée par l’usure, les bottes éculées bien cirées, les mains dans des gants noirs rougis aux coutures par l’emploi de l’encre, il ne manquait pas d’une dignité quasi-fantastique. Il ôtait gravement son chapeau haut de forme aux bords cerclés d’éraillures grises, et demandait la permission de s’asseoir. — Alors, il sortait de sa poche une demi-douzaine de journaux qu’il se procurait je ne sais où, — il est vrai qu’ils dataient d’un mois, — en choisissait un, lisait attentivement ; puis, soudain,