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Page:Zevaco - Le boute-charge, 1888.djvu/129

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LE BOUTE-CHARGE

à la nature entière à cet âge où les baisers de la mère ont persuadé au gamin rougeaud qu’il est roi de la création, la forte jeunesse est venue et lui a donné le calme du paysan qui va commencer la bataille contre toutes les stérilités. Alors il a eu des bœufs à accoupler, la charrue à conduire. Là, sans le savoir, il s’est agrandi par les luttes de sa force contre les résistances du sol. Et à la fin de la journée, avec un triomphe inconscient sur son sourire, un orgueil ignoré, il a souvent contemplé cette terre où les vieilles souches ont crié en se déchirant, où les mottes épaisses se sont défendues désespérément et qui palpite encore vaincue, béante. Combien étaient bons alors ces coups de brises du soir qui entraient dans sa poitrine avec toutes les senteurs passionnées des herbes arrachées. Combien beaux ces horizons qui allaient se confondre au loin avec le bleu de l’infini ! La plaine lui dévoilait ses splendeurs, et les étoiles s’allumant sur le fond noir lui semblaient le lustre qui allait éclairer de ses reflets de cristal les