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Page:Zevaco - Le boute-charge, 1888.djvu/182

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LE BOUTE-CHARGE

fance sont restaurés par la mémoire, avec un sens attendrissant qu’ils n’ont jamais eu. On se rappelle encore la vie de garnison, les causeries dans la chambrée, les joyeux noëls, les interminables pansages, les galops enivrants, sur le terrain. Toute cette fantasmagorie défile : et ce passé si proche semble lointain comme si des siècles s’étaient lentement écoulés. On vit des années en quelques heures ; on se sent vieillir, et un regret amer s’empare du cavalier couché raide dans son lit de neige.

Mais un éclair efface toutes ces ombres. Et ces réminiscences s’envolent, le cœur se réveille, le sang bouillonne au souvenir de la déclaration de guerre, des fièvres de la mobilisation, des indignations contre les autres. Les récits de ceux qui ont vu le premier acte de l’invasion, les villages incendiés, les maisons pillées, les sauvegardes violées, de pauvres vieux inoffensifs fusillés sur les grandes routes, les carnages voulus, les atrocités réglées militairement reviennent assaillir l’esprit, ravivent la haine et ne laissent plus à la pensée que le