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GERMINAL.

ment. Jean-Bart, à droite et à gauche de l’extraction, n’avait que deux goyots, celui d’un ventilateur à vapeur et celui des échelles.

Le matin, dès trois heures, Chaval était arrivé le premier, débauchant les camarades, les convainquant qu’il fallait imiter ceux de Montsou et demander une augmentation de cinq centimes par berline. Bientôt, les quatre cents ouvriers du fond avaient débordé de la baraque dans la salle de recette, au milieu d’un tumulte de gestes et de cris. Ceux qui voulaient travailler tenaient leur lampe, pieds nus, la pelle ou la rivelaine sous le bras ; tandis que les autres, encore en sabots, le paletot sur les épaules à cause du grand froid, barraient le puits ; et les porions s’étaient enroués à vouloir mettre de l’ordre, à les supplier d’être raisonnables, de ne pas empêcher de descendre ceux qui en avaient la bonne volonté.

Mais Chaval s’emporta, quand il aperçut Catherine en culotte et en veste, la tête serrée dans le béguin bleu. Il lui avait, en se levant, signifié brutalement de rester couchée. Elle, désespérée de cet arrêt du travail, l’avait suivi tout de même, car il ne lui donnait jamais d’argent, elle devait souvent payer pour elle et pour lui ; et qu’allait-elle devenir, si elle ne gagnait plus rien ? Une peur l’obsédait, la peur d’une maison publique de Marchiennes, où finissaient les herscheuses sans pain et sans gîte.

— Nom de Dieu ! cria Chaval, qu’est-ce que tu viens foutre ici ?

Elle bégaya qu’elle n’avait pas des rentes et qu’elle voulait travailler.

— Alors, tu te mets contre moi, garce !… Rentre tout de suite, ou je te raccompagne à coups de sabot dans le derrière !

Peureusement, elle recula, mais elle ne partit point, résolue à voir comment tourneraient les choses.