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GERMINAL.

parus aux propriétaires, inquiète du bruit soulevé autour de ces accidents. Crèvecœur et Madeleine, de roche très ébouleuse, se bouchaient de plus en plus. On parlait de deux porions ensevelis à la Victoire ; un coup d’eau avait inondé Feutry-Cantel ; il faudrait murailler un kilomètre de galerie à Saint-Thomas, où les bois, mal entretenus, cassaient de toutes parts. C’étaient ainsi, d’heure en heure, des frais énormes, des brèches ouvertes dans les dividendes des actionnaires, une rapide destruction des fosses, qui devait finir, à la longue, par manger les fameux deniers de Montsou, centuplés en un siècle.

Alors, devant ces coups répétés, l’espoir renaissait chez Étienne, il finissait par croire qu’un troisième mois de résistance achèverait le monstre, la bête lasse et repue, accroupie là-bas comme une idole, dans l’inconnu de son tabernacle. Il savait qu’à la suite des troubles de Montsou, une vive émotion s’était emparée des journaux de Paris, toute une polémique violente entre les feuilles officieuses et les feuilles de l’opposition, des récits terrifiants, que l’on exploitait surtout contre l’Internationale, dont l’Empire prenait peur, après l’avoir encouragée ; et, la Régie n’osant plus faire la sourde oreille, deux des régisseurs avaient daigné venir pour une enquête, mais d’un air de regret, sans paraître s’inquiéter du dénouement, si désintéressés, que trois jours après ils étaient repartis, en déclarant que les choses allaient le mieux du monde. Pourtant, on lui affirmait d’autre part que ces messieurs, durant leur séjour, siégeaient en permanence, déployaient une activité fébrile, enfoncés dans des affaires dont personne autour d’eux ne soufflait mot. Et il les accusait de jouer la confiance, il arrivait à traiter leur départ de fuite affolée, certain maintenant du triomphe, puisque ces terribles hommes lâchaient tout.

Mais Étienne, la nuit suivante, désespéra de nouveau. La Compagnie avait les reins trop forts pour qu’on les