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LES ROUGON-MACQUART.

— T’es une bonne femme, bégayait-il. Faut que je t’embrasse.

Mais il s’emberlificota dans les jupons, qui lui barraient le chemin, et faillit tomber.

— Es-tu bassin ! dit Gervaise sans se fâcher. Reste tranquille, nous avons fini.

Non, il voulait l’embrasser, il avait besoin de ça, parce qu’il l’aimait bien. Tout en balbutiant, il tournait le tas des jupons, il butait dans le tas des chemises ; puis, comme il s’entêtait, ses pieds s’accrochèrent, il s’étala, le nez au beau milieu des torchons. Gervaise, prise d’un commencement d’impatience, le bouscula, en criant qu’il allait tout mélanger. Mais Clémence, madame Putois elle-même, lui donnèrent tort. Il était gentil, après tout. Il voulait l’embrasser. Elle pouvait bien se laisser embrasser.

— Vous êtes heureuse, allez ! madame Coupeau, dit madame Bijard, que son soûlard de mari, un serrurier, tuait de coups chaque soir en rentrant. Si le mien était comme ça, quand il s’est piqué le nez, ce serait un plaisir !

Gervaise, calmée, regrettait déjà sa vivacité. Elle aida Coupeau à se remettre debout. Puis, elle tendit la joue en souriant. Mais le zingueur, sans se gêner devant le monde, lui prit les seins.

— Ce n’est pas pour dire, murmurait-il, il chelingue rudement, ton linge ! Mais je t’aime tout de même, vois-tu !

— Laisse-moi, tu me chatouilles, cria-t-elle en riant plus fort. Quelle grosse bête ! On n’est pas bête comme ça !

Il l’avait empoignée, il ne la lâchait pas. Elle s’abandonnait, étourdie par le léger vertige qui lui venait du tas de linge, sans dégoût pour l’haleine vineuse