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L’ASSOMOIR.

seule allusion au passé. Virginie, alors âgée de vingt-neuf ans, était devenue une femme superbe, découplée, la face un peu longue entre ses deux bandeaux d’un noir de jais. Elle raconta tout de suite son histoire pour se poser : elle était mariée maintenant, elle avait épousé au printemps un ancien ouvrier ébéniste qui sortait du service et qui sollicitait une place de sergent de ville, parce qu’une place, c’est plus sûr et plus comme il faut. Justement, elle venait d’acheter un maquereau pour lui.

— Il adore le maquereau, dit-elle. Il faut bien les gâter, ces vilains hommes, n’est-ce pas ?… Mais, montez donc. Vous verrez notre chez nous… Nous sommes ici dans un courant d’air.

Quand Gervaise, après lui avoir à son tour conté son mariage, lui apprit qu’elle avait habité le logement, où elle était même accouchée d’une fille, Virginie la pressa de monter plus vivement encore. Ça fait toujours plaisir de revoir les endroits où l’on a été heureux. Elle, pendant cinq ans, avait demeuré de l’autre côté de l’eau, au Gros-Caillou. C’était là qu’elle avait connu son mari, quand il était au service. Mais elle s’ennuyait, elle rêvait de revenir dans le quartier de la Goutte-d’Or, où elle connaissait tout le monde. Et, depuis quinze jours, elle occupait la chambre en face des Goujet. Oh ! toutes ses affaires étaient encore bien en désordre ; ça s’arrangerait petit à petit.

Puis, sur le palier, elles se dirent enfin leurs noms.

— Madame Coupeau.

— Madame Poisson.

Et, dès lors, elle s’appelèrent gros comme le bras madame Poisson et madame Coupeau, uniquement pour le plaisir d’être des dames, elles qui s’étaient