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L’ASSOMMOIR.

seulement ce que je lui ai fait… Dis, rouchie, qu’est-ce qu’on t’a fait ?

— Ne causez pas tant, bégaya Gervaise. Vous savez bien… On a vu mon mari, hier soir… Et taisez-vous, parce que je vous étranglerais, bien sûr.

— Son mari ! Ah ! elle est bonne, celle-là !… Le mari à madame ! comme si on avait des maris avec cette dégaîne !… Ce n’est pas ma faute s’il t’a lâchée. Je ne te l’ai pas volé, peut-être. On peut me fouiller… Veux-tu que je te dise, tu l’empoisonnais, cet homme ! Il était trop gentil pour toi… Avait-il son collier, au moins ? Qui est-ce qui a trouvé le mari à madame ?… Il y aura récompense…

Les rires recommencèrent. Gervaise, à voix presque basse, se contentait toujours de murmurer :

— Vous savez bien, vous savez bien… C’est votre sœur, je l’étranglerai, votre sœur…

— Oui, va te frotter à ma sœur, reprit Virginie en ricanant. Ah ! c’est ma sœur ! C’est bien possible, ma sœur a un autre chic que toi… Mais est-ce que ça me regarde ! est-ce qu’on ne peut plus laver son linge tranquillement ! Flanque-moi la paix, entends-tu, parce qu’en voilà assez !

Et ce fut elle qui revint, après avoir donné cinq ou six coups de battoir, grisée par les injures, emportée. Elle se tut et recommença ainsi trois fois :

— Eh bien ! oui, c’est ma sœur. , es-tu contente ?… Ils s’adorent tous les deux. Il faut les voir se bécoter !… Et il t’a lâchée avec tes bâtards ! De jolis mômes qui ont des croûtes plein la figure ! Il y en a un d’un gendarme, n’est-ce pas ? et tu en as fait crever trois autres, parce que tu ne voulais pas de surcroît de bagage pour venir… C’est ton Lantier qui nous a raconté ça. Ah ! il en dit de belles, il en avait assez de ta carcasse !