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LES ROUGON-MACQUART.

Il ne se souleva seulement pas, vautré sur le dos, la tête enfoncée dans l’oreiller, faisant claquer le grand fouet par la chambre, avec un vacarme de postillon qui lance ses chevaux. Puis, abattant le bras, il cingla Lalie au milieu du corps, l’enroula, la déroula comme une toupie. Elle tomba, voulut se sauver à quatre pattes ; mais il la cingla de nouveau et la remit debout.

— Hop ! hop ! gueulait-il, c’est la course des bourriques !… Hein ? très chouette, le matin, en hiver ; je fais dodo, je ne m’enrhume pas, j’attrape les veaux de loin, sans écorcher mes engelures. Dans ce coin-là, touchée, margot ! Et dans cet autre coin, touchée aussi ! Et dans cet autre, touchée encore ! Ah ! si tu te fourres sous le lit, je cogne avec le manche… Hop ! hop ! à dada ! à dada !

Une légère écume lui venait aux lèvres, ses yeux jaunes sortaient de leurs trous noirs. Lalie, affolée, hurlante, sautait aux quatre angles de la pièce, se pelotonnait par terre, se collait contre les murs ; mais la mèche mince du grand fouet l’atteignait partout, claquant à ses oreilles avec des bruits de pétard, lui pinçant la chair de longues brûlures. Une vraie danse de bête à qui on apprend des tours. Ce pauvre petit chat valsait, fallait voir ! les talons en l’air comme les gamines qui jouent à la corde et qui crient : Vinaigre ! Elle ne pouvait plus souffler, rebondissant d’elle-même ainsi qu’une balle élastique, se laissant taper, aveuglée, lasse d’avoir cherché un trou. Et son loup de père triomphait, l’appelait vadrouille, lui demandait si elle en avait assez et si elle comprenait suffisamment qu’elle devait lâcher l’espoir de lui échapper, à cette heure.

Mais Gervaise, tout d’un coup, entra, attirée par les