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LES ROUGON-MACQUART.

fou à cette heure ! La vie allait devenir drôle, si on le lâchait. Nana criait qu’il fallait le laisser à l’hôpital, parce qu’il finirait par les massacrer toutes les deux.

Le dimanche seulement, Gervaise put se rendre à Sainte-Anne. C’était un vrai voyage. Heureusement, l’omnibus du boulevard Rochechouart à la Glacière passait près de l’asile. Elle descendit rue de la Santé, elle acheta deux oranges pour ne pas entrer les mains vides. Encore un monument, avec des cours grises, des corridors interminables, une odeur de vieux remèdes rances, qui n’inspirait pas précisément la gaieté. Mais, quand on l’eut fait entrer dans une cellule, elle fut toute surprise de voir Coupeau presque gaillard. Il était justement sur le trône, une caisse de bois très propre, qui ne répandait pas la moindre odeur ; et ils rirent de ce qu’elle le trouvait en fonction, son trou de balle au grand air. N’est-ce pas ? on sait bien ce que c’est qu’un malade. Il se carrait là-dessus comme un pape, avec son bagou d’autrefois. Oh ! il allait mieux, puisque ça reprenait son cours.

— Et la fluxion ? demanda la blanchisseuse.

— Emballée ! répondit-il. Ils m’ont retiré ça avec la main. Je tousse encore un peu, mais c’est la fin du ramonage.

Puis, au moment de quitter le trône pour se refourrer dans son lit, il rigola de nouveau.

— T’as le nez solide, t’as pas peur de prendre une prise, toi !

Et ils s’égayèrent davantage. Au fond, ils avaient de la joie. C’était par manière de se témoigner leur contentement sans faire de phrases, qu’ils plaisantaient ainsi ensemble sur la plus fine. Il faut avoir eu des malades pour connaître le plaisir qu’on éprouve à les revoir bien travailler de tous les côtés.